La fée Clotilde

C’était une brasserie ancienne…

« c’était une brasserie ancienne, tout en nappes de tissu blanc, sertie de verrières au motifs végétaux et d’un long comptoir en laiton doré. » (in « La sauvagière »; Corinne Morel Darleux; Ed Dalva p 24)

Les serveurs, les serveuses s’y déplaçaient tels des ombres silencieuses, vêtus de vert et noir et chargés de leur habituel plateau miraculeusement fixé au creux de leur paume.

Les clients étaient l’objet d’une attention certaine mais savamment dosée afin qu’ils se sentent déchargés de toute contingence matérielle sans avoir le sentiment d’être ni observés ni écoutés… ils pouvaient ainsi s’offrir le luxe d’une parenthèse hors du temps. 

Certains d’entre eux, ceux venus seuls, s’absorbaient dans quelque pensée mélancolique que la contemplation de la vie extérieure à travers les vitres leur suggérait: cet enfant, là, debout sur son vélo qui leur rappelait leurs jeunes années, loin des déboires à venir… ou encore le vent dans le feuillage du chêne sur la place, comme chez la tante Marie certains jours d’automne…

Pour d’autres, assis deux à deux face à leur café ou leur Perrier tranche, l’heure était aux confidences: un mari volage, une patronne si intransigeante; sans compter l’ado de la famille que rien ne parvenait à détourner de ses écrans…

Et là, sur la gauche du comptoir, assise droite sur la banquette de moleskine devant un thé fumant, une dame aux cheveux blancs.

Elle est très présente au monde qui l’entoure, observant chacun d’un regard doux mais néanmoins pénétrant.

De temps en temps, elle prends quelques notes dans un carnet à spirales d’une écriture appliquée puis elle referme son stylo à plume et à nouveau observe.

Hormis les serveurs qui la connaissent depuis si longtemps, nul n’imagine que d’ici quelques mois, il sera le héros anonyme d’un roman dont « le masque et la plume » vantera les qualités littéraires…

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